Pratiques et politiques mémorielles


ATTENTION -- CHANGEMENT DE DATE !!!!
La séance aura lieu le
22 mai 2012    
Salle 6, EHESS, 105 bd Raspail

Le destin de la monstruosité : Harun Farocki et Günther Anders, une question de visibilité.

Intervenant : Ian Simms*
Répondant: Catherine Perret*

"Dans le film « Images du monde et inscriptions de la guerre » de Harun Farocki, la question de l’ image et de sa visibilité est centrale, mais de quelle visibilité parle-t-on ? Günther Anders, dans sa première lettre ouverte adressée à Klaus Eichmann, décrit le triomphe de la technique qui a permis au monde d’atteindre une taille si grande qu’il n’est plus « réellement notre »1. Cette rupture vient, selon Anders, du fait que « ce que nous pouvons faire (…), est plus grand que ce dont nous pouvons nous faire une image ». Qu’il y a un fossé entre notre « capacité de fabrication et notre capacité de représentation ». 2

Dans « Images du monde et inscriptions de la guerre », en amont de la visibilité du camp d’Auschwitz, le film est concerné justement par ce fossé entre notre « capacité de fabrication et notre capacité de représentation » identifié par Günther Anders. Bien sûr, il ne s’agit pas, de la part de Farocki, de combler ce fossé ; de représenter notre capacité de fabrication et notre capacité de faire. Il est évident qu’il connaît trop bien les écrits de Anders pour ne pas savoir qu’une telle entreprise sera vouée à l’échec. Non, « Images du monde et inscriptions de la guerre » n’est pas une tentative pour combler ce fossé, ni une tentative pour rendre visible le camp d’Auschwitz ; ce film est une tentative pour rendre visible le fossé même. Plutôt donc que la visibilité d’Auschwitz, c’est la visibilité du fossé entre notre capacité de fabrication et notre capacité de représentation, entre ce que nous pouvons faire et ce dont nous pouvons nous faire une image, qui est le vrai leitmotiv du film « Images du monde et inscription de la guerre » et qui sera au cœur de mon exposé." Ian Simms*

1 Anders, Günther, Nous, fils d’Eichmann: letter ouverte à Klaus Eichmann. Rivages Poche, Petite Biblioteque, Paris, 2003. p. 52
2 ibid
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*Né en 1961 en Afrique du Sud, Ian Simms vit et travaille à La Seyne sur mer. Doctorant à l’Université de Paris 8 il est en troisième année de thèse sous la direction de Jean-Philippe Antoine. Ses recherches portent sur les « stratégies d’activation des images d’archive dans l’art contemporain ». Il enseigne la vidéo et la culture anglo-saxonne à l’Ecole Supérieure d’Art de Toulon et siège sur le conseil d’administration de l’association Vidéochroniques.

Artiste, il a exposé cette année au musée de Menton dans le cadre de la manifestation « L’Art Contemporain et le Côte d’Azur » ainsi qu’au centre d’art « Angles » dans le cadre de « Résonances » à la Biennale de Lyon. Il a participé au Festival « Vidéo’Val » à l’Université Paris-Est Créteil et au MacVal et aussi à une exposition collective au musée de Gap.
* Catherine Perret est professeure d'esthétique à l'université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et a été directrice de programme au Collège international de philosophie. Elle a publié notamment Walter Benjamin sans destin, 2007; Les Porteurs d'ombre, mimésis et modernité, 2002; Fils, l'art et la transmission de la modernité, 2001. Elle compte parmi les membres fondateurs de l'association Ars Industrialis.
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